Chez moi (2)
Nouvel appartement, encore. Fenêtre sur cour et coeur en éclats. J’ai bordé ma chambre de rouge-orangé - mes couleurs, me dites-on - et allumé ma lampe fétiche, qui se découpe en lamelles sur le mur. Le parquet boisé se tait, impassible. J’ai dans la tête des milliers de censures. Dehors le froid est glacial et le vent rongeait mon imperméable blanc hier au soir, en marchant dans les rues. J’ai erré un peu, par-delà les ruelles, en reconquête de places, en reconnaissance de cette ville. J’ai bu du vin et fait tinter mes clés, au fond de ma poche, pour affirmer mes choix.
Mais dans mon ventre gueulait un grand vide et des larmes ruaient derrière mes paupières. Mes pensées étaient avec lui, en face du parc, dans les plis carmin du salon. Que lui dire, aujourd’hui, sans se répéter? Rien sûrement, et les mots parfois restent muets, alors qu’on peut encore placer des nuances dans le regard.
Rien d’autre à murmurer que « je n’oublie pas ».