Un endroit pour être
Au milieu de la gare c’était un tourbillon de gens. Elle aimait s’asseoir là, juste au milieu de cette pulsation à laquelle elle n’appartenait pas complètement. Elle vacillait de trop d’espace. D’où était-elle ? De quel lieu, de quel air ? Il n’y avait qu’en mouvement qu’elle vivait vraiment, persuadée qu’un jour, elle arriverait là. Quelque part. Dans cet endroit pensé pour elle, avec un océan et du froid quand le vent se lève. Un pays avec du soleil et des falaises aussi, pour s’y perdre au crépuscule, les mains profondément plantées dans un anorak. Un endroit où les trains n’arrivaient que le soir, une gare terminus parce que depuis là il n’y avait que l’horizon. Un pays où les gens parlaient pour dire quelque chose, sinon ils se taisaient, ou alors ils dansaient et chantaient, parce que souvent les mélodies ça suffit pour dire. Ou juste un regard. Ou un geste qui s’échappe, si léger, si rapide qu’on pourrait l’avoir rêvé. Elle avait le mirage de ce lieu planté en elle, un espace presque vierge où l’on s’assoit sur les bancs en face-à-face pour rêver que les étoiles ont le pouvoir d’arrêter le cours du temps, lorsque le ciel est vraiment clair, vraiment dégagé.
Elle y voyait aussi une église qui se penserait cathédrale, majestueuse et lourde d’ombre, les pierres pleines de calme. Elle n’abriterait aucun dieu, juste des coins de silence où l’on pouvait penser très fort à ce qui nous tenait éveillé la nuit. La porte serait de bois et grincerait un peu quand on la pousse.
Il y aurait des alcools qui enivrent comme lorsqu’on tombe amoureux, des étendues d’herbe aussi douces que le sable, de la neige en hiver, un peu, juste le temps de faire des élevages de cannelle et d’orange et de boire des grogs le soir, en lisant à voix haute des poèmes.
Les printemps seraient capricieux et offriraient des après-midi de pluie à passer dans les salles sombres de cinéma, puis dans les cafés, à discuter et s’enrager et se chamailler le long des interprétations.
Aux murs des maisons, les fenêtres seraient immenses, avec des rideaux de velours pour bloquer le soleil estival quand il se ferait trop violent. En regardant bien, on verrait qu’ils étaient les témoins des imaginaires qui brûlent ; complices ils garderaient les meilleurs souvenirs enveloppés dans leurs ourlets. Mais il ne faudrait pas les interroger : gardiens du secret des corps, ils sauraient être muets et fidèles.
L’automne viendrait rappeler que tout passe, et l’on ferait de longues promenades sur les quais qui seraient aussi un peu des rails. Il y aurait le bruit des feuilles, celui des bateaux qui accostent et qui repartent, il y aurait le bruit du mouvement tout le temps, mais ce qui change ne ferait pas peur, ne ferait pas mal. Et l’on se parlerait des heures avec toutes ces choses qui ne sont pas des mots.
Elle y voyait aussi une église qui se penserait cathédrale, majestueuse et lourde d’ombre, les pierres pleines de calme. Elle n’abriterait aucun dieu, juste des coins de silence où l’on pouvait penser très fort à ce qui nous tenait éveillé la nuit. La porte serait de bois et grincerait un peu quand on la pousse.
Il y aurait des alcools qui enivrent comme lorsqu’on tombe amoureux, des étendues d’herbe aussi douces que le sable, de la neige en hiver, un peu, juste le temps de faire des élevages de cannelle et d’orange et de boire des grogs le soir, en lisant à voix haute des poèmes.
Les printemps seraient capricieux et offriraient des après-midi de pluie à passer dans les salles sombres de cinéma, puis dans les cafés, à discuter et s’enrager et se chamailler le long des interprétations.
Aux murs des maisons, les fenêtres seraient immenses, avec des rideaux de velours pour bloquer le soleil estival quand il se ferait trop violent. En regardant bien, on verrait qu’ils étaient les témoins des imaginaires qui brûlent ; complices ils garderaient les meilleurs souvenirs enveloppés dans leurs ourlets. Mais il ne faudrait pas les interroger : gardiens du secret des corps, ils sauraient être muets et fidèles.
L’automne viendrait rappeler que tout passe, et l’on ferait de longues promenades sur les quais qui seraient aussi un peu des rails. Il y aurait le bruit des feuilles, celui des bateaux qui accostent et qui repartent, il y aurait le bruit du mouvement tout le temps, mais ce qui change ne ferait pas peur, ne ferait pas mal. Et l’on se parlerait des heures avec toutes ces choses qui ne sont pas des mots.