Le creux du monde (1)

Publié le par anaïs


Elle avait une tendresse particulière pour les aubes. Tout en elles lui paraissait beau. Le mot d'abord, l'aube, qui lançait la langue depuis le palais vers la brève mais douce rencontre des lèvres; le son rond, caressant, si court qu'il aurait pu n'être qu'un souffle. Elle aimait dans l'instant lui-même la lumière d'abord pâle puis de plus en plus réelle, englobante, se posant en maître sur les choses et la nature. Elle se levait sans bruit et glissait d'une pièce à l'autre sans but précis, si ce n'est peut-être celui de prendre possession du monde qui s'éveille. Il y avait alors en elle une sorte de quiétude qui ne devait rien au calme (car elle était parfois nerveuse dès le petit jour), mais plutôt à un accord tacite passé avec le silence: il était trop tôt pour les paroles, et celles du jour précédent ne pouvaient jamais être ni reprises, ni remplacées.

 

Le jour était vierge et elle, elle s'efforçait de l'être le plus possible.

 

Cela paraissait relativement simple dans cette maison où elle était venue se reposer un mois d'août, alors que tout autour d'elle semblait conspirer pour devenir assourdissant.

 

On dit souvent d'un endroit qu'il est au bout du monde. Ici, c'était l'inverse qui était vrai. On avait l'impression d'être arrivé dans la creux de ce monde, à son point d'ancrage. Tout autour semblait avoir été repoussé vers des contrées plus habitées, plus tangibles, tandis que là, aux portes des Cévennes, la nature et le paysage se rassemblaient à la fois fournis et vastes, tenant à distance tout ce qui n'était pas fait d'espace et de lumière.


Publié dans fictions en miroir

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A
Jeanne Bella, oui, ça va. Je viens de lire l'automne chez toi, et chez Aslé la douce aussi. Ici c'est déjà presque l'hiver, l'air est tout doré et pâle de froid. J'aime, j'aurais envie d'écrire ces deux saisons qui s'entremêlent ici, mais il n'y pas assez de minutes dans les heures....Je t'embrasse, j'espère que tu souris, et que tu vis dans le calme...A.
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J
des aubesdes nuitstu vas ?je t'embrasse
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P
Je suis revenu et j'ai recommencé à publier.Et puis je m'aperçois que tu écris toujours aussi bien, que tu as toujours cette faculté impressionnante à décrire ces atmosphères, ces moments, à décrire le vide qui n'en est pas. Merci pour ce texte, bravo, et à bientôt.Biz.
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A
Je voulais écrire "bruit" et "réfugier"...Désolé, un peu de fatigue ces temps-ci.Bien à vousAlain
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A
Bonjour AnaïsToujours la force d'opposition entre la douceur et la rudesse du moment dans vos descriptions. Toujours ce "buit" omniprésent, et cette capacité à vous refuger dans cet endroit magique, quel qu'il soit, là où vous vous trouvez. Ce "Creux du monde", cette sensation d'être entier et apaisé, on le cherche tous. Grâce à vos mots on arrive à l'imaginer, à le trouver, REtrouver, même si l'endroit est bien évidemment différent pour chacun d'entre nous.Bon retour ... Et beaucoup d'espace rempli de lumière pour vous.Alain
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