Partie en fumée (2)
Depuis quelques soirs, trois, quatre, ils se ressemblent tous, un homme la guette. Lourdement enfoncé dans un des canapés de L’Ange silencieux, car le bar se nomme ainsi, il observe la femme, la couve du regard et d’un sourire doucement narquois.
Leurs yeux se croisent, ils se jaugent, un tango oculaire.
Elle lui trouve un charme désuet et quand elle défie ses prunelles noires, des vers de Mallarmé sonnent à son oreille. Suranné. Elle secoue la tête, la torpeur la reprend. Quelle heure est-il; déjà? Bien trop tard pour songer à rentrer. La montre à son bras gauche indique l’aube et dehors les premières livraisons ont commencé. Bientôt, la ville sentira le café et dissoudra d’un geste arbitraire les mirages de la nuit. Les gens presseront le pas, usant de toute leur énérgie pour arriver au même endroit que la veille et le lendemain. Au milieu des klaxons et des injures peut-être s’en trouvera-t-il un pour s’étonner. Mais rien n’est moins sûr.
Elle se lève, paie. Sa langue s’en va furtivement voler les dernières gouttes d’amande qui perlent sur ses lèvres. L’homme va-t-il la suivre? Une embuscade facile s’offre à lui, un jeu d’enfant pour adultes. Le bar se situe au coin d’une rue très sombre ; quelques maisons plus loin, une porte cochère se ferait sa complice. Se débattrait-elle? Longtemps? Il s’en tirerait avec quelques griffures, marques insolentes de la proie qui va se rendre. Ses mains imprimeraient la cadence sur la peau satinée des reins rebelles...
Elle se lève, paie. Quand elle sort, la porte se referme paresseusement sur elle, comme les vagues emportent les châteaux de sable.
Leurs yeux se croisent, ils se jaugent, un tango oculaire.
Elle lui trouve un charme désuet et quand elle défie ses prunelles noires, des vers de Mallarmé sonnent à son oreille. Suranné. Elle secoue la tête, la torpeur la reprend. Quelle heure est-il; déjà? Bien trop tard pour songer à rentrer. La montre à son bras gauche indique l’aube et dehors les premières livraisons ont commencé. Bientôt, la ville sentira le café et dissoudra d’un geste arbitraire les mirages de la nuit. Les gens presseront le pas, usant de toute leur énérgie pour arriver au même endroit que la veille et le lendemain. Au milieu des klaxons et des injures peut-être s’en trouvera-t-il un pour s’étonner. Mais rien n’est moins sûr.
Elle se lève, paie. Sa langue s’en va furtivement voler les dernières gouttes d’amande qui perlent sur ses lèvres. L’homme va-t-il la suivre? Une embuscade facile s’offre à lui, un jeu d’enfant pour adultes. Le bar se situe au coin d’une rue très sombre ; quelques maisons plus loin, une porte cochère se ferait sa complice. Se débattrait-elle? Longtemps? Il s’en tirerait avec quelques griffures, marques insolentes de la proie qui va se rendre. Ses mains imprimeraient la cadence sur la peau satinée des reins rebelles...
Elle se lève, paie. Quand elle sort, la porte se referme paresseusement sur elle, comme les vagues emportent les châteaux de sable.